Flower Power

 

 

 

Le luxe de la lenteur… Voilà ce qu’à si bien décrit Nicolas Bouvier.

 

D’autres l’ont ressenti aussi. Et moi, c’est une des belles choses que je retiens de mon année nomade. Le temps qui dure, qui s’allonge et tout ce qu’il nous permet de voir, d’écouter et d’apprendre. L’ennui, la rêverie. L’extase sous les étoiles.

 

Je suis née en France de parents yougoslaves. Aujourd’hui la Yougoslavie n’existe plus. Souvent, je me suis sentie blessée, lorsque des personnes qui confondaient ce pays avec la Bulgarie, la Tchécoslovaquie ou la Roumanie, m’agressaient pendant et depuis la guerre, parce que ma famille est de Belgrade.

 

Je ne me sens pas vraiment française, encore moins normande, même si je suis née à Rouen. En Serbie, on me demande souvent si je suis russe. J’ai toujours aimé cette sensation, cette différence. Mon nom, mon prénom. Une richesse pour moi. Une vision plus large du monde, des autres. Une acceptation de la différence. Une modestie face aux évènements qui ne sont pas toujours nos choix.

 

J’ai longtemps cherché un endroit où je pourrais vivre et me sentir bien. Etrangère de partout. Etrange, j’erre de partout ?

 

J’ai réalisé que je photographiais des gens, pas seulement ceux du voyage, mais ceux n’ayant pas peur de bouger. Des roms, des voyageurs, des gens du cirque, des artistes de rue, des musiciens.

 

Tout le monde n’a pas besoin de se sentir appartenir à un endroit. Même si les sédentaires peuvent être fascinants par leur connaissance d’un lieu, par leurs traditions ou habitudes perpétrées depuis des générations, jusqu’à en perdre le sens de l’origine.

 

Certains aimeraient être sédentaires, mais n’en ont pas la possibilité. Le nomadisme, l’exil, peuvent dépendre des hasards de la vie, d’une décision des ancêtres, de la géo politique, de l’insupportable qui fait fuir. D’un choix ou d’un non choix.

 

J’ai rencontré Arno et Baco en Roumanie, alors qu’ils voyageaient, de leur plein gré, avec 3 mules bâtées et un chien. Le choc, la claque. Le choix libre du mode de vie.

 

J’étais parisienne à l’époque, coincée par les dettes et le crédit pour rembourser la banque. Le fil à la patte, une contrainte rassurante pour tous ceux qui m’entouraient. Je continuais sur les rails, après un diplôme des Beaux-Arts, le travail, l’achat d’un appartement haussmannien avec vue sur Montmartre. Une réussite pour la plupart. Les baby-sitters, le travail jusqu’à épuisement, et toujours les dettes.

 

Mais grâce à cette rencontre, j’ai compris que ça n’était pas l’endroit, mais la façon de vivre qui comptait pour moi. Quitter la ville et la sédentarité. Laisser le train-train dérailler. Bouger, en me délestant du poids des normes qui ne me correspondaient pas. Et c’est ce que j’ai fait, pendant une belle année, avec mon fils de cinq ans, avant que le quotidien de l’école ne nous enracine à nouveau, mais ailleurs, là où l’herbe est plus verte.

 

Voici quelques photographies, de plusieurs de ces familles, avec qui j’ai partagé ces moments magiques.

 

Marina Obradovic

 

Les quatre premières photos font parties de collections particulières

A propos de Marina Obradovic

 

D'origine Yougoslave et née en France, elle voyage depuis toujours et encore.

Ses études aux beaux-arts de Paris, en photographie et en peinture lui ouvrent la voie dans les deux domaines.

Photographe de plateau, assistante à la réalisation, elle devient restauratrice de peinture murale, puis peintre et décoratrice.

Tout en poursuivant sa carrière éclectique, elle imagine et réalise, entre autre, les décors de la célèbre marque de bière artisanale italienne "Birra Baladin".